Introduction aux moulinets de pêche

Historique

A partir du moment où avait germé l'idée d'un pêcheur de lancer son appât plus loin, l'homme a cherché des solutions à deux problèmes primordiaux: 1. par où faire passer le fil pour qu'il glisse? et 2. comment stocker le fil?

L'ingéniosité et les matériaux des différentes époques ont donné naissance à des solutions tout d'abord simples mais adaptées et ensuite de plus en plus technologiques.

L'évolution des matériaux des autres accessoires de pêche ont aussi permis de faire évoluer les moulinets vers le haut: le nylon et la tresse, les anneaux céramiques et les matériaux composites.

Bacs à dérouler - stripping basket

Au plus simple, au plus pratique

Laisser le fil pendre et s'enrouler au sol n'est peut-être pas bon pour le fil mais c'est une solution qui fonctionne toujours mais que l'on a amélioré en utilisant les bacs à dérouler ou les stripping basket.

Ce sont des récipients qui servent à protéger les soies des accrocs du sol ou de l'eau salée et dans lequel on déroule la soie (ou le nylon) pendant le ramener.

Un certain nombre de pêcheurs à la mouche l'utilisent toujours.

Principalement remis au goût du jour par les pêcheurs à la mouche en mer, ces bacs sont simples mais adaptés.

Évidemment, on l'utilise de nos jours avec le moulinet pour récupérer la soie.

Le cadre, grosse révolution issue de l'industrie textile

Le secret pour obtenir un bon enroulage quand on bobine ou que l'on tresse des cordes de textile, c'est la tension. Et les premières machines automatisées pour ce travail utilisaient des cadres en bois rectangulaires qui permettaient d'associer une tension soutenue et un déroulage libre. Il n'en fallait pas plus pour trouver le premier système d'enroulage du fil de pêche: le cadre. De nouveau simple mais adapté.

Différentes dimensions existent mais elles sont en général identiques un peu partout dans le monde. Ils sont pratiquement toujours en bois et sont courus pas les collectionneurs. On en trouve de diverses couleurs mais ils sont souvent finement travaillés et vernis. Ils ne sont pas sans rappeler les bobineurs que les enfants (et les pros) utilisent pour "ramener" leurs cerfs-volants.

Cadre de pêche

Quelques modèles de moulinets en bois

Les premiers moulinets ronds à tambour tournant

Toujours limité dans leurs connaissances des matériaux et dans les technologies permettant de les transformer, l'homme essaye de trouver des solutions les plus simples pour arriver à ses fins. Certainement inspirés par les poulies en bois, les tambours tournants sont nés en bois d'abord, simplement tournés puis finement ciselés et enfin combinés avec des supports et des systèmes d'axe en laiton.

On en retrouve ensuite dans différents métaux, usinés et également ciselés. Les premiers freins et anti-retour mécaniques font leur apparition.

Certains modèles comportent aussi une bobine en caoutchouc (!).

Ces modèles nécessitaient évidemment de débobiner le fil et de relancer pour atteindre des distances plus grandes (comme à la mouche).

Certaines marques ont aussi proposé des modèles qui pivotaient pour que la bobine fasse face aux anneaux et qui permettaient donc de lancer sans devoir débobiner le fil à l'avance. ces moulinets étaient donc réversibles (gaucher et droitier) en même temps qu'innovants.

Les moulinets capotés

Ce sont des moulinets qui se basent au départ sur les moulinets à tambour tournant pivotant, et dont la bobine, donc, se positionne face aux anneaux pour débobiner le fil.

Le principe est assez simple mécaniquement mais il est fiable. La bobine est recouverte d'un capot avec un trou central par lequel sort le nylon. Cette bobine comporte un ergot sur un de ses flancs et celui-ci est en position haute quand on veut ramener le fil et en position basse (à fleur de la bobine) quand on veut lancer.

Le déclenchement de cet ergot se fait via un levier situé sur le moulin ou sur le pied du moulinet (un peu à la manière du frein sur les Mitchell Full Control)

Lorsque l'ergot est renfoncé, il libère le nylon qui se déroule librement. Si le levier est situé sur le bâti, on le déclenche et on maintient le fil au doigt comme pour un moulinet à pick-up. Si le levier est sur le pied, on peut essayer de l'enclencher pendant le mouvement de lancer.

C'est un type de moulinet très prisé des Anglais principalement pour la pêche à la dérive (au stick - trotting). Les emmêlements sont rares et les lancers sont d'une efficacité sans égal vu la liberté du nylon. Le seul point négatif est sa faible vitesse de récupération dû à sa mécanique spécifique.

C'est aussi un moulinet utilisé par les pêcheurs de carnassier (spinning reel) dont la particularité est de se positionner au-dessus de la canne. On pêche donc avec les anneaux vers le haut, d'où la position, sur ces modèles, du levier de déclenchement en dessous du bâti.

Ils ont pour certains un anti-retour et ont tous un frein de combat.

Daiwa 125M

Les moulinets à tambour fixe.

Ce sont nos moulinets actuels utilisés pour les pêches aux lancers. La différence avec tous les autres, c'est que la bobine est fixe et que c'est un système d'arceau (pick-up) qui tourne autour pour ramener le nylon via un galet.

La mécanique n'a pas beaucoup changé, le mouvement de rotation de votre manivelle doit toujours déclencher 3 actions:

  • faire tourner le pick-up,

  • faire monter et descendre la bobine pour que l'enroulement se fasse régulièrement sur toute la hauteur de la bobine et en spires croisées et

  • déclencher la fermeture automatique du pick-up

Permettez-moi d'ailleurs une remarque purement mécanique:

Cette fermeture automatique est toujours déclenchée par une percussion d'une gâchette par une ergot fixe du rotor (ouf, reprise de respiration), le pick-up se refermant via la force d'un ressort. Si cela se passe de manière transparente et visuellement douce pour le pêcheur, il en résulte des contraintes mécaniques qui vont créer fatigue et usure.

  • un effort de tension du ressort lors de l'ouverture du pick-up,

  • un choc entre l'ergot et la gâchette lors du premier tour de manivelle,

  • un choc de ce même système lorsque le pick-up se rabat sous l'impulsion du ressort

  • ainsi que l'usure normale de toutes les pièces à leurs articulations.

Je vous conseille donc de refermer le pickup vous-même à la main en amortissant la fermeture.

Les principales avancées techniques depuis l'avènement des premiers modèles à tambour fixe sont les suivantes:


  • L'usinage et la meilleure connaissance des matériaux rendent les ajustages plus précis, principalement dans l'alignement des paliers de l'axe de la bobine.

  • Les matériaux en eux-mêmes ainsi que leurs alliages, plus stables, plus légers, plus solides et mieux maîtrisés. On peut citer ici le magnésium, l'aluminium, le nylon et la résine ainsi que le carbone et le Zaion. Sans oublier les traitements protecteurs des pièces en mouvement.

  • Le galet surdimensionné rotatif qui diminue l'échauffement et l'effet de boucle à plus de 75 %. Les premiers modèles étaient fixes et tout petits, ce qui provoquait un échauffement du nylon et la fâcheuse tendance de ce dernier à vriller.

  • L'anti-retour, permettant ou pas de débobiner le nylon.

  • Les roulements à billes. Même dans le cas d'un usinage rigoureux et l'utilisation de bagues de centrage en laiton, il faut bien admettre que les roulements (et leur taille pour les plus petits) amènent un confort et une précision mécaniques. J'ajouterai aussi que le roulement à aiguille à 1 sens permet de ne plus avoir de jeu entre la manivelle et le calage de l'anti-retour.

  • Le frein arrière. Décrié par certains, adulé par d'autres, il a fallu de nombreux modèles avant de trouver un bon compromis entre encombrement, nombre de rondelles et renvoi vers la bobine. Il a eu au moins l'avantage de fournir une bonne base de travail pour les moulinets débrayables, alliant donc deux freins, celui de combat et celui de réglage du déclenchement de l'embrayage.

  • Remarquez que, naturellement le frein avant s'est imposé. Simplement parce que la bobine est plus ou moins serrée par l'intermédiaire d'une molette. On a "copié" le système d'embrayage des voitures en insérant des rondelles alternativement en métal et dans un matériau abrasif.

  • L'équilibrage du rotor visant à annuler l’effet de balancier de gauche à droite provoqué par le rotor lors de la récupération.

  • La taille et la forme des bobines: peu profondes, coniques et longues.

  • Certaines marques innovent en proposant des roulements d'axe de bobine aimantés pour garder une ceinture d'huile magnétique empêchant toute entrée de particules et poussières dans le carter mécanique.

Fonctionnement des moulinets

La rotation de la manivelle doit déclencher plusieurs mouvements: la rotation de la bobine et le mouvement linéaire de l'axe de la bobine pour un bobinage croisé et réparti du nylon.

Fig. 1: Schéma basique des différents composants de base de la mécanique du moulinet. La roue primaire fait tourner la roue secondaire et déplace le coulisseau de gauche à droite via le mouvement rotatif de l'ergot.

Fig. 2: les différents types de mouvements: La roue primaire, la roue secondaire et la manivelle ont un mouvement rotatif. Le tracé jaune illustre le parcours de l'ergot.

Fig. 3: Lorsque la manivelle tourne, elle active en direct la roue primaire qui fait tourner x fois plus vite la secondaire. En même temps, l'ergot déplace le coulisseau de gauche à droite étant donné que celui-ci reste dans le même alignement grâce à l'axe de la bobine.

Fig. 4: Chaque tour de manivelle va provoquer un certain nombre de tours de la bobine équivalant au ratio entre le nombre de dents de la roue primaire et de la roue secondaire. Par exemple: 60 (dents) : 12 (dents) = 5 --> ratio: 5:1 (ce qui signifie 5 pour 1, donc 5 tours de bobine par tour de manivelle).

Le système décrit ci-dessus peut parfois poser un problème sur des moulinets aux bobines hautes car l'ampleur du mouvement de l'axe n'est pas suffisante pour que le nylon soit enroulé aux extrémités de la bobine.

D'autres systèmes ont donc été mis en place par différentes marques.

Allonger l'axe du renvoi de coulisseau:

Fig. 5: sur le Mitchell 140 G, le renvoi se fait à partir d'un bague désaxée très large pour agrandir l'amplitude du mouvement, aidé par un axe plus long qui va rechercher le coulisseau.

Fig. 6: sur un Abu Cardinal 3 Royal; le système démultiplie la vitesse par un engrenage satellitaire et un renvoi plus long.

Fig. 7: La série 400 de Mitchell complexifie la démultiplication dont le dernier engrenage satellitaire entraîne le coulisseau, doté d'une crémaillère.

Le wormshaft

Cette méthode nécessite un bâti de moulinet plus grande, en longueur mais aussi en hauteur. Il en existe en général dans les tailles 5000 et plus.

Le coulisseau, cette fois-ci ne glisse plus sur un des pignons mais bien le long d'un axe sur lequel on a usiné une rainure. Le coulisseau comporte donc un ergot interne qui suit la rainure.

Les avantages du wormshaft sont:

  1. une ampleur d'oscillation plus grande, pour des bobines plus hautes,

  2. un meilleur coulissement étant donné que le coulisseau est "emprisonné" autour de l'axe et peut être réglé plus précisément. De plus, le renvoi mécanique "mouvement rotatif vers mouvement linéaire" ne fait pas appel à un frottement entre deux parties plates de pièces en métal (comme les coulisseaux précédents) mais bien à une bague autour d'un axe.

Fig. 8: Le coulisseau (7) avance et recule car son ergot est bloqué dans la rainure et la suit lors du mouvement rotatif de l'axe.
Notez que le roulement (8) sert de "roue" et roule sur un plat usiné dans le bâti du moulinet. Il assure ainsi un parfait alignement de l'axe et du coulisseau (diminution du jeu). L'axe se retrouve guidé par le roulement 8) et le roulement 6 ainsi que par l'axe de la bobine (9) qui est lui-même soutenu dans un tube creux.
(Source: Wormshaft d'un Cormoran CORCAST 7PiF Hyper Jet.

Les freins

Les freins, plus précisément appelés freins de combat permettent de rendre la bobine plus ou moins libre et donc favorise le déroulage du nylon. Certains pêcheurs l'utilisent pour combattre un poisson puissant, d'autres préfèrent désactiver l'anti-retour et débobinent eux-mêmes pour donner du mou face aux rush des prises.

Il existe 2 types de frein mais leur fonctionnement est identique:

Le frein avant est positionné à l'avant "dans" la bobine et se règle par la molette recouvrant celle-ci. En anglais: front drag, d'où certaines marques nommant leurs modèles "2500 FD" par exemple.

Fig. 8: Le détail du frein avant.
Remarquez que ce modèle propose deux rondelles-clé, qui sont celles qui bloquent la rotation des dites rondelles, ce qui assure un frottement entre les rondelles abrasives et confèrent le serrage. Elles sont d'ailleurs dotées d'un trou oblong (ou rectangulaire) avec deux méplats.

Le frein arrière est positionné à l'arrière du moulinet en position basse, dans l'alignement de l'axe de la bobine. En anglais: rear drag, RD

Fig. 9: Le détail du frein arrière

  • Le ressort de compression sert à pouvoir ajuster un peu plus précisément le freinage.

  • Le raccord union fait la liaison entre l'axe de bobine et les disques de frein et sert aussi à produire le "clic" quand vous tournez la molette.

  • La rondelle clé bloque la partie postérieure du raccord union

Leur fonctionnement s'apparente en fait plus à un embrayage par friction qu'à un frein. En effet, il s'agit de mettre en contact des rondelles de matières différentes et des les serrer/desserrer pour qu'elle frottent plus ou moins fort.

Le nombre de rondelles et leur matériau font que l'on peut régler plus ou mois précisément la puissance du dit frein. En règle générale, les fabricants alternent rondelle en métal et rondelles en matériau composite chargé en particules (comme des plaquettes de frein de type Ferodo, garnie d'un "abrasif").

Certaines rondelles, souvent dans les moulinets à frein arrière, sont ondulées pour avoir moins de point de contact mais garder en même temps une certaine puissance au serrage.

Rondelle ondulée avec 2 points de contact

Rondelle ondulée avec 3 points de contact

Les nouveaux matériaux

Le magnésium

Le magnésium (Mg) est un métal alcalino-terreux. C'est avec l'aluminium le métal le plus utilisé pour créer les bâtis de moulinet. Il peut s'usiner et se mouler plus facilement que l'aluminium. Il est plus léger que ce dernier mais est moins stable en surface et dans ses liaison moléculaires, impliquant donc plus de criques mécaniques, menant à des fissures et donc à des casses.

Mais, étant donné que c'est un métal qui peut s'oxyder, il est obligatoire de le traiter en surface pour éviter le contact avec l'eau et l'air.

Cependant, il est parmi les meilleurs composants pour les alliages avec l'aluminium.

L'aluminium

L'aluminium (Al) est un métal du groupe du bore. Il est mou et léger mais jamais trouvé à l'état de métal. Il est obtenu par l'électrolyse de la bauxite.

De par son état, l'aluminium réagit assez violemment aux produits oxydants et se recouvre d'une couche protectrice vert-de-gris lors de l'oxydation.

En règle générale, pour contrer son importante souplesse, on l'allie avec du Silicium (Si) ou du fer (Fe) ou du magnésium (Mg). Et pour éviter qu'il ne s'oxyde et se détériore, on utilise à nouveau une méthode électrolytique appelé anodisation. On peut d'ailleurs de cette manière teinter la surface (bleu, doré et noir étant les couleurs les plus courantes)

L'aluminium est utilisé dans de nombreux domaines de pointe pour sa stabilité, sa légèreté et sa dispersion de la chaleur. Il peut être usiné et aussi coulé.

Petite remarque générale:

Les métaux coulés, donc fondus, ont une très mauvaise tenue dans les liaisons moléculaires et ne résistent correctement qu'à la pression mais rarement aux contraintes latérales, aux déchirements et aux chutes par exemple.

Le graphite

Le graphite est une forme spécifique du carbone (Son symbole est d'ailleurs C, comme le carbone). On le rencontre à l'état naturel "allié" avec d'autres composants (d'hydrogène (« H »), d'azote (« N »), d'oxygène (« O »), de silicium (« Si »), d'aluminium (« Al »), de fer (« Fe ») ou encore d'argile.). En fait, il est la forme stable du carbone à température et à pression ordinaires.

Le graphite est utilisée pur pour les bâtis de moulinet car il offre des caractéristiques proches du carbone mais est néanmoins plus lourd. Par contre, il est plus simple à usiner.

Naturellement, c'est un composant qui se lie très bien avec l'aluminium. Or l'aluminium, fondu -comme dans toutes les fontes- est moléculairement faible dans les liaisons et n'offre que peu de résistance correcte si ce n'est à la compression. De son côté, lui, le graphite, est composé de multiples cellules hexagonales extrêmement liées et compactes.

L'alliage aluminium et graphite est donc un excellent compromis entre légèreté, solidité et stabilité à la chaleur.

Le Zaion

Le Zaion est un nouveau matériau, composé de résine de carbone et fibres longues de carbone. C'est un matériau à haute-densité, léger, solide et qui a une excellente tenue à la corrosion.

Il dépasse de loin la résistance du magnésium, même dans les meilleures alliages

C'est un matériau composite mis au point par la société Daiwa.

Le Ci4

Le CI4 est un composite issu de l'inter fusion entre le carbone et le polyamide. Il offre une résistance hors du commun pour un poids plus faible.

En outre, ses propriétés lui donnent d'excellentes armes contre l'érosion (usure) et la corrosion (inoxydable)

Il a été mis au point par Shimano qui décline ses moulinets dans les versions classiques et Ci4 (et même Ci4+)

Sources: